Louise  Warren – Poète et essayiste

Notes et paysages

Notes et paysages

Notes et paysages
1990

Chaque mot doit être mobile.
Dans l’amphithéâtre
la terre tourne et le rideau s’ouvre.
Store, corde, ou pelle,
cela doit apparaître ou disparaître,
mais cela doit bouger : les langues sont vivantes.

Notes et paysages, Montréal, Éditions du remue-ménage, 1990.

Ce beau livre de la discrétion intérieure s’ouvre sur une épigraphe empruntée à la Phèdre de Racine, « Dans le fond des forêts votre image me suit », laquelle va se constituer en véritable leitmotiv rythmique du texte. Sous cette tutelle spéculaire, la poésie allusive de Louise Warren retrace le discours amoureux, les scènes émerveillées du quotidien, la métamorphose des lieux et des paysages, l’apprentissage des langues à l’écoute attentive des événements de la terre : tout cela sans ordre fixe puisque « la vie est une forme de désordre ». Il ne s’agit pas pourtant pas ici d’un assentiment à la confusion; par le travail d’une écriture mobile le poète instaure cet autre ordre du langage, celui de la poésie.

Si « la vie est une forme de désordre », « le monde est une vaste énumération .» Ces deux assertions pourraient bien constituer les dispositifs métatextuels concertants de la pratique de Louise Warren. Car il s’agit, en ce texte, d’ordonner en des formules nouvelles les formes dégradées du monde. Elle y parvient, avec une grande efficacité, par son sens du contrepoint, de la filature narrative ou atmosphérique entre les scènes qu’elle met en place. Elle réussit aussi à décliner la vaste nomenclature du monde, d’où cet intarissable plaisir d’observer la vie même du langage avant qu’il n’ait été terni par le sens commun. […]

Cette conscience linguistique est supportée par la facture parfois hybride de ce recueil partagé entre l’allusion du récit et l’éclat métaphorique, entre la séquence ludique et le trait réflexif, entre la lucidité sociale et l’intimité discrète. Il s’agit alors d’explorer simultanément tous les registres de la langue, de les confondre et de les associer, dans la certitude que le mot est toujours seul. Cela que dit cet exemplaire triptyque : « Les pays se touchent. / Les mers se mélangent. / Entre les mots il faut toujours laisser un espace. » En ce sens, les genres s’infléchissent les uns les autres, les tons peuvent se confondre, mais sur la page les mots réclament entre eux le terrain neutre et blanc d’un silence.

PAUL CHANEL MALENFANT
Voix et Images
1992

Étude

René Lapierre. « Livres ouverts » (sur Notes et paysages et Terra incognita), dans Liberté, nº 202, juin 1992.

Mention

1992 Notes et paysages, finaliste au prix Émile-Nelligan.

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